Analyse technique
Ouverture en fondu sur un plan de grand ensemble
de la montagne. Panoramique vers le bas pour cadrer en plongée Maréchal
et Rosenthal dormant côte à côte par terre. Ils se réveillent,
se lèvent suivis par un panoramique, séloignent. Fondu enchaîné.
Maréchal et Rosenthal en plan général, descendent une route
de montagne couverte de neige. Rosenthal traîne derrière, marchant
difficilement, en boîtant, avec son bâton. La caméra les accompagne
en travelling-arrière. Cut. Les deux hommes sarrêtent en plan
américain, la montagne en arrière-plan, commencent à se disputer;
travelling avant jusquen plan rapproché: grande engueulade. Rosenthal,
sénervant, dit à Maréchal de foutre le camp.
Court travelling arrière accompagnant le départ de Maréchal,
sarrêtant en plan moyen sur Rosenthal. Cut. Plan-rapproché
sur Rosenthal, au bord des larmes, qui chante Il était un petit navire.
Cut. Maréchal en plan moyen se dirige vers la caméra en chantant
la strophe suivante de la même chanson. Travelling arrière accompagnant
lavancée de Maréchal jusquà ce que celui-ci arrive
à la hauteur de la caméra, puis la dépasse. Cut. Plan rapproché
sur Rosenthal qui pleure, la tête baissée; Maréchal entre
dans le champ de la droite, son corps reste en amorce; léger panoramique
vers la droite, puis vers le haut pour cadrer son buste en plan rapproché.
Pano vers la gauche suivant le mouvement de Maréchal qui relève
Rosenthal et lemmène, quittant le champ.
Commentaire
Au début de cette séquence, on découvre
Maréchal et Rosenthal blottis lun contre lautre, unis contre
une nature hostile. Le panoramique initial sert à les inscrire dans ce
monde froid et menaçant, qui présage, peut-être, la froideur
qui va sinstaller bientôt dans leurs rapports. Dans le deuxième
plan, ils sont déjà désunis, ce qui est souligné par
la distance qui les sépare sur la route. Poussés à bout par
la souffrance physique (la faim, la fatigue, le froidpour ne pas parler
de lentorse sévère de Rosenthal) et morale (le découragement,
la peur), le sentiment de solidarité entre les deux amis est en train de
seffriter. Au moment de lengueulade finale, la caméra exécute
un travelling avant pour cadrer les deux hommes en plan rapproché, ce qui
a pour effet de rendre le caractère émotionnel de la scène
plus intense (plus on sapproche du gros plan, plus la tension est importante...).
Le petit travelling arrière à la fin de la dispute souligne le départ
de Maréchal, ponctué par une coupe franche (montage cut)
suivi d'un plan où Rosenthal se trouve, pour la première fois dans
la séquence, seul, ce qui insiste sur la séparation des deux hommes.
La chanson commencée par Rosenthal pour montrer à Maréchal
quil peut se passer de lui, est reprise, dans le plan suivant, par Maréchal,
seul, lui aussi, pour la première fois. Dans le dernier plan de la séquence,
Rosenthal est rejoint par Maréchal dans le même champ, ce qui indique
la réconciliation des deux amis, le triomphe du sentiment de fraternité
sur la souffrance individuelle, lintérêt personnel, et le racisme
viscéral qui ont provoqué la brouille. Le montage cut
dans cette séquence, par son caractère brusque après les
deux enchaînés du début, a pour effet de durcir le ton, de
souligner la violence des émotions et lhostilité croissante
entre les deux personnages. La chanson, Il était un petit navire,
est le même air que Boëldieu avait joué à la flûte
pour faciliter lévasion de Maréchal et Rosenthal. Maréchal
se serait-il souvenu, à la fin, du sacrifice de Boëldieu? Serait-ce
une explication (partielle) de son revirement, du retour du sentiment de solidarité
avec son camarade?
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