Commentary: Excerpt 2

 

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Analyse technique

         Ouverture en fondu sur la porte ouverte de la cantine allemande : le commandant Von Rauffenstein entre en plan américan, s’arrête devant la caméra en plan rapproché, boit un verre, dit qu’il a descendu un avion français et qu’on invite les aviateurs à déjeuner…si ce sont des officiers. On entend une valse viennoise, qui sort d’un phonographe posé sur le bar. Panoramique horizontal (descriptif) vers la droite le long du bar et jusqu’au mur où il continue vers le haut pour cadrer des photographies de femmes épinglées au mur. Fondu au noir, puis ouverture en fondu sur la porte ouverte où on voit entrer, en plan rapproché, Boëldieu et Maréchal, qui sont accueillis par Rauffenstein. La caméra exécute un lent travelling arrière pour cadrer les officiers français un moment en plan moyen avant que tout le groupe s’approche de la caméra, jusqu’en plan américain, pour passer à table. Tout le monde s’assied. Cut. Boëldieu et Rauffenstein, cadrés en plan rapproché, discutent de leurs connaissances communes dans le monde aristocratique, échangeant un moment des phrases en anglais. Cut. Plan rapproché sur Maréchal et son voisin allemand, puis lent panoramique vers la droite cadrant toujours Maréchal et son voisin. Comme le Français a le bras en écharpe, l’officier allemand lui coupe sa viande. En discutant, ils découvrent qu’ils étaient tous deux mécaniciens dans le civil. Cut. Un soldat allemand entre chargé d’une couronne mortuaire. Cut. Gros plan sur le bandeau de la couronne où on lit un texte en français (aviateur français “descendu en flammes”). Cut. Plan rapproché sur Boëldieu et Rauffenstein debout; celui-ci s’excuse auprès de son homologue français. Tout le monde se rassied. Fondu au noir.

Commentaire

          La cantine allemande, pour commencer, ressemble beaucoup au bar d’escadrille francais : le bar couvert de bouteilles, un phonographe, la table, et sur le mur des photos de femmes - ce qui rappelle le rendez-vous que Maréchal avait avec Joséphine. La valse viennoise, musique populaire allemande, répond à la chanson populaire française, “Frou-Frou”, que Maréchal écoutait au début du film. Renoir établit donc, d’emblée, un parallèle très fort entre les deux cantines d’officiers, française et allemande. Le thème du parallèle est repris dès que les officiers se mettent à table. La caméra va cadrer tour à tour deux “couples”, en commençant par Boëldieu et Rauffenstein. En isolant ces deux officiers, en les mettant “ensemble”, Renoir insiste d’office sur leur identité de classe, leur appartenance à l’aristocratie européenne. Ils ont la même tenue soignée, le même air hautain et racé. Ils fréquentent le même monde, connaissent les mêmes personnes, et ont la même culture - ce qui est indiqué par leur connaissance de l’anglais. Le couple que forment Maréchal et son voisin allemand, cadrés ensemble dans le plan suivant, est mis en opposition nette avec le couple Boëldieu-Rauffenstein. A l’encontre de ceux-ci, Maréchal et son voisin, mécaniciens dans le civil, font partie de la classe ouvrière. En opposant ces deux couples, le propos de Renoir est clair : Boëldieu l’aristocrate a bien plus en commun avec l’aristocrate prussien, Rauffenstein, qu’avec Maréchal, malgré la nationalité française qui les relie. Cette scène sert à illustrer une idée chère à Renoir, selon laquelle les divisions “verticales” entre gens de nationalités différentes sont bien moins un obstacle entre les hommes que les divisions “horizontales” entre les classes sociales, les races et les professions.