Commentaire : Extrait 5

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Analyse technique


     Plan américain sur des prisonniers anglais qui répètent un numéro musical; travelling arrière, puis panoramique descriptif vers la gauche où l’on découvre d’autres prisonniers en train de préparer le spectacle. Nouveau travelling arrière pour cadrer, en plan américain, les prisonniers français qui regardent “Arthur” en train de fouiller une caisse de costumes qui viennent d’arriver. Cut.

Plan rapproché des Français en train d’examiner et de discuter les vêtements de femme dans la caisse. Léger panoramique vers la gauche pour cadrer Maisonneuve, toujours en plan rapproché : On lui demande d’essayer une robe de femme, “pour voir”. Léger panoramique en sens inverse, suivant Maisonneuve qui s’en va avec la robe. Cut. Plan très rapproché de Maréchal, avec l’acteur et l’instituteur, puis travelling arrière pour cadrer le groupe en plan rapproché : ils discutent les nouvelles coiffures des femmes françaises et les vêtements de femme dans la caisse. Cut. Plan rapproché sur le groupe, de dos. Léger panoramique pour rencontrer Maisonneuve qui arrive habillé en femme et avec une perruque de femme; léger travelling arrière pour cadrer le groupe, soudain silencieux, en plan américain : Maisonneuve remarque que “ça fait drôle”. Cut. Plan rapproché d’un prisonnier sur une échelle, puis panoramique vers le bas et à gauche pour montrer plusieurs prisonniers en plan rapproché, leur regard rivé sur Maisonneuve, au milieu d'un silence "blanc".* Le panoramique continue jusqu’à Maisonneuve, qu’on retrouve en plan général au centre de la salle des fêtes (en profondeur de champ), entouré de prisonniers qui le regardent, transfixés. Fondu au noir.

*Un silence "blanc" est un silence absolu obtenu en utilisant un morceau de bande magnétique vierge ; pour un silence ordinaire dans un film, on "enregistre" le silence, ce qui produit un effet plus réaliste.

Commentaire


    Il s’agit ici d’une grande séquence, très caractéristique de Renoir, qui englobe un long plan-séquence, suivi d’une série de plans montés “cut” mais accompagnés de recadrages de toutes sortes. Le premier plan établit, dans son intégralité, l’espace de la salle des fêtes : aucun morcellement, mais une série de mouvements d’appareil--travellings et panoramiques--qui révèlent toute la diversité des préparatifs du spectacle des prisonniers. Le deuxième plan est fixe, d’abord, et rapproché pour, “fixer” l’attention des spectateurs sur le dialogue, la discussion des vêtements de femme ; il finit par deux courts panoramiques pour introduire Maisonneuve et accompagner son départ avec la robe. Le troisième plan, de caractère fixe, malgré un recadrage (travelling arrière) au début pour passer du plan très rapproché initial au plan rapproché, reprend la discussion des modes féminines en France et des vêtements dans la caisse. Cut. Dans le plan suivant, l’arrivée de Maisonneuve, habillé en femme, est accueilli par un panoramique, comme si la caméra allait à sa rencontre, suivi d’un travelling arrière pour recadrer tout le groupe en plan américain afin d’attirer l’attention sur la réaction du groupe--tout le monde le regarde, se tait--au travestissement de Maisonneuve. Le cut brusque qui introduit le dernier plan traduit le choc que ressentent les prisonniers devant ce simulacre de femme. Le silence “blanc” du plan, jusqu’aux paroles de Maisonneuve à la fin, ainsi que le long panoramique en plan rapproché sur les visages des hommes, souligne l’état d’esprit de ces hommes sevrés de femmes, transfixés par cette image de femme qui éveille désirs et souvenirs. Le panoramique se termine sur un plan d’ensemble qui réunit tous les regards sur Maisonneuve, en profondeur de champ, soulignant toute l'étendue de l'espace et, par là même, toute la petite communauté d’hommes figée dans l'état de rêve produit par l'apparition soudaine d’une “femme” parmi eux. Le fondu au noir à la fin de la séquence ne fait qu’accentuer cette impression de rêve.