Analyse technique
Plan américain sur des prisonniers
anglais qui répètent un numéro musical; travelling arrière,
puis panoramique descriptif vers la gauche où lon découvre
dautres prisonniers en train de préparer le spectacle. Nouveau travelling
arrière pour cadrer, en plan américain, les prisonniers français
qui regardent Arthur en train de fouiller une caisse de costumes qui
viennent darriver. Cut.
Plan rapproché des Français en train
dexaminer et de discuter les vêtements de femme dans la caisse. Léger
panoramique vers la gauche pour cadrer Maisonneuve, toujours en plan rapproché
: On lui demande dessayer une robe de femme, pour voir. Léger
panoramique en sens inverse, suivant Maisonneuve qui sen va avec la robe.
Cut. Plan très rapproché de Maréchal, avec lacteur
et linstituteur, puis travelling arrière pour cadrer le groupe en
plan rapproché : ils discutent les nouvelles coiffures des femmes françaises
et les vêtements de femme dans la caisse. Cut. Plan rapproché sur
le groupe, de dos. Léger panoramique pour rencontrer Maisonneuve qui arrive
habillé en femme et avec une perruque de femme; léger travelling
arrière pour cadrer le groupe, soudain silencieux, en plan américain
: Maisonneuve remarque que ça fait drôle. Cut. Plan rapproché
dun prisonnier sur une échelle, puis panoramique vers le bas et à
gauche pour montrer plusieurs prisonniers en plan rapproché, leur regard
rivé sur Maisonneuve, au milieu d'un silence "blanc".* Le panoramique
continue jusquà Maisonneuve, quon retrouve en plan général
au centre de la salle des fêtes (en profondeur de champ), entouré
de prisonniers qui le regardent, transfixés. Fondu au noir.
*Un silence "blanc" est un silence absolu obtenu en utilisant
un morceau de bande magnétique vierge ; pour un silence ordinaire dans
un film, on "enregistre" le silence, ce qui produit un effet plus réaliste.
Commentaire
Il sagit ici dune grande séquence,
très caractéristique de Renoir, qui englobe un long plan-séquence,
suivi dune série de plans montés cut mais accompagnés
de recadrages de toutes sortes. Le premier plan établit, dans son intégralité,
lespace de la salle des fêtes : aucun morcellement, mais une série
de mouvements dappareil--travellings et panoramiques--qui révèlent
toute la diversité des préparatifs du spectacle des prisonniers.
Le deuxième plan est fixe, dabord, et rapproché pour, fixer
lattention des spectateurs sur le dialogue, la discussion des vêtements
de femme ; il finit par deux courts panoramiques pour introduire Maisonneuve et
accompagner son départ avec la robe. Le troisième plan, de caractère
fixe, malgré un recadrage (travelling arrière) au début pour
passer du plan très rapproché initial au plan rapproché,
reprend la discussion des modes féminines en France et des vêtements
dans la caisse. Cut. Dans le plan suivant, larrivée de Maisonneuve,
habillé en femme, est accueilli par un panoramique, comme si la caméra
allait à sa rencontre, suivi dun travelling arrière pour recadrer
tout le groupe en plan américain afin dattirer lattention sur
la réaction du groupe--tout le monde le regarde, se tait--au travestissement
de Maisonneuve. Le cut brusque qui introduit le dernier plan traduit le choc que
ressentent les prisonniers devant ce simulacre de femme. Le silence blanc
du plan, jusquaux paroles de Maisonneuve à la fin, ainsi que le long
panoramique en plan rapproché sur les visages des hommes, souligne létat
desprit de ces hommes sevrés de femmes, transfixés par cette
image de femme qui éveille désirs et souvenirs. Le panoramique se
termine sur un plan densemble qui réunit tous les regards sur Maisonneuve,
en profondeur de champ, soulignant toute l'étendue de l'espace et, par
là même, toute la petite communauté dhommes figée
dans l'état de rêve produit par l'apparition soudaine dune
femme parmi eux. Le fondu au noir à la fin de la séquence
ne fait quaccentuer cette impression de rêve.
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