Commentaire : Extrait 6

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Analyse technique


     Plan américain sur Maréchal, Rosenthal et d'autres prisonniers, l'air étonné, en train de lire un journal dans les coulisses. Cut. Plan américain sur l'acteur et un prisonnier anglais, habillée en femme, qui continuent leur numéro sur scène. Maréchal fait irruption et arrête le spectacle. Cut. Plan général sur toute la salle, avec les acteurs sur scène en extrême profondeur de champ. Maréchal annonce que les troupes françaises ont repris Douaumont aux Allemands. Toute la salle se met debout. Cut. Plan rapproché sur l’officier anglais qui enlève sa perruque de femme et demande aux musiciens de jouer “La Marseillaise”. Pendant que toute la salle entonne la chanson, la caméra fait un petit panoramique vers la gauche, accompagné d’un court travelling arrière, puis exécute un panoramique vers la droite balayant toute la scène pour s’arrêter en contreplongée sur Maréchal, en pied , fusillant du regard les deux officiers allemands qui assistent au spectacle ; léger panoramique vers le bas pour cadrer en plan très rapproché les deux Allemands ; ceux-ci confèrent un instant, puis quittent la salle, suivis d'un panoramique qui reprend sans coupure vers la gauche, puis vers la droite pour balayer la salle remplie de prisonniers, dans un mouvement circulaire, pour s’arrêter, après un léger travelling avant, en plan rapproché sur l’officier anglais où le panoramique avait commencé. Le plan se termine sur un nouveau panoramique, en sens inverse (vers la gauche), pour s’arrêter, toujours en plan rapproché, sur les prisonniers (de nationalités différentes) qui, debout dans la salle, finissent de chanter “La Marseillaise”. Cut.

Commentaire


    Il s’agit ici d’un des plans-séquences les plus célèbres de Renoir, un véritable tour de force cinématographique par le chef-opérateur (caméraman) Claude Renoir, le neveu de Jean Renoir. La caméra exécute un panoramique, conjugué à de courts travellings arrière et avant, qui balaie la scène de gauche à droite, puis passe sur toute la salle avant de recadrer le personnage sur la scène, l’officier anglais, qui a donné l’ordre de jouer “La Marseillaise”. Le cercle est bouclé, réunissant scène et salle dans un espace unique. Comme si cela ne suffisait pas, l’appareil entame ensuite un panoramique en sens inverse, très inhabituel, pour s’arrêter de nouveau sur la salle, comme pour évoquer encore une fois le lien de continuité entre celle-ci et la scène. Le refus du montage (du morcellement de l’espace) dans cette séquence permet d’insister, en effet, sur l’unité de la scène et de la salle, unité qui traduit, comme l’hymne national que tout le monde chante, le sentiment de solidarité qui anime tous les prisonniers, quelle que soit leur nationalité, avec leurs camarades français. La fin de la scène rejoint donc le début, où le thème de la solidarité internationale avait été introduit d’emblée par le fait que c’était l’officier anglais qui avait entamé l’ordre à l’orchestre de jouer “La Marseillaise”.