Analyse technique
Plan américain sur Maréchal, Rosenthal
et d'autres prisonniers, l'air étonné, en train de lire un journal
dans les coulisses. Cut. Plan américain sur l'acteur et un prisonnier anglais,
habillée en femme, qui continuent leur numéro sur scène.
Maréchal fait irruption et arrête le spectacle. Cut. Plan général
sur toute la salle, avec les acteurs sur scène en extrême profondeur
de champ. Maréchal annonce que les troupes françaises ont repris
Douaumont aux Allemands. Toute la salle se met debout. Cut. Plan rapproché
sur lofficier anglais qui enlève sa perruque de femme et demande
aux musiciens de jouer La Marseillaise. Pendant que toute la salle
entonne la chanson, la caméra fait un petit panoramique vers la gauche,
accompagné dun court travelling arrière, puis exécute
un panoramique vers la droite balayant toute la scène pour sarrêter
en contreplongée sur Maréchal, en pied , fusillant du regard les
deux officiers allemands qui assistent au spectacle ; léger panoramique
vers le bas pour cadrer en plan très rapproché les deux Allemands
; ceux-ci confèrent un instant, puis quittent la salle, suivis d'un panoramique
qui reprend sans coupure vers la gauche, puis vers la droite pour balayer la salle
remplie de prisonniers, dans un mouvement circulaire, pour sarrêter,
après un léger travelling avant, en plan rapproché sur lofficier
anglais où le panoramique avait commencé. Le plan se termine sur
un nouveau panoramique, en sens inverse (vers la gauche), pour sarrêter,
toujours en plan rapproché, sur les prisonniers (de nationalités
différentes) qui, debout dans la salle, finissent de chanter La Marseillaise.
Cut.
Commentaire
Il sagit ici dun des plans-séquences les
plus célèbres de Renoir, un véritable tour de force cinématographique
par le chef-opérateur (caméraman) Claude Renoir, le neveu de Jean
Renoir. La caméra exécute un panoramique, conjugué à
de courts travellings arrière et avant, qui balaie la scène de gauche
à droite, puis passe sur toute la salle avant de recadrer le personnage
sur la scène, lofficier anglais, qui a donné lordre
de jouer La Marseillaise. Le cercle est bouclé, réunissant
scène et salle dans un espace unique. Comme si cela ne suffisait pas, lappareil
entame ensuite un panoramique en sens inverse, très inhabituel, pour sarrêter
de nouveau sur la salle, comme pour évoquer encore une fois le lien de
continuité entre celle-ci et la scène. Le refus du montage (du morcellement
de lespace) dans cette séquence permet dinsister, en effet,
sur lunité de la scène et de la salle, unité qui traduit,
comme lhymne national que tout le monde chante, le sentiment de solidarité
qui anime tous les prisonniers, quelle que soit leur nationalité, avec
leurs camarades français. La fin de la scène rejoint donc le début,
où le thème de la solidarité internationale avait été
introduit demblée par le fait que cétait lofficier
anglais qui avait entamé lordre à lorchestre de jouer
La Marseillaise.
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