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AGNÈS VARDA
Après des études d’histoire de l’art, Varda s’est passionnée pour la photographie. C’est par ce biais qu’elle entre dans le monde du spectacle, étant devenue photographe officielle du Théâtre National Populaire de Jean Vilar au Festival d’Avignon et au Palais de Chaillot à Paris. Quand Varda entreprend de faire son premier film, La Pointe Courte (1954), elle ignore tout du cinéma ; elle n’a vu, de son propre aveu, qu’une demi-douzaine de films dans sa vie. C’est en discutant avec Alain Resnais, qui fera le montage du film, qu’elle commence son apprentissage du septième art. Dans La Pointe Courte, le nom d’un petit village de pêcheurs près de Sète, il s’agit d’un mélange du film documentaire et du film de fiction, la crise d’un couple fictif juxtaposée à la lutte réelle d’un village dont la survie économique est menacée par les grands industriels. Ce film annonce bien la carrière de cinéaste de Varda, qui s’intéresse autant au documentaire qu’aux histoires inventées — et n’hésite pas à faire chevaucher les deux genres dans ses films. Comme elle le dit elle-même, “J’ai tendance à sentir de la même façon l’envie de faire du documentaire et l’envie de faire de la fiction et de mêler les techniques et les styles. J’aime bien mélanger tout cela” (“Agnès Varda”, Séquences, p. 35).
Cela commence plutôt bien : La Pointe Courte obtient le Grand Prix du film d’avant-garde 1955 à Paris et, la même année, le Prix de l’Age d’or à Bruxelles. Rétrospectivement, à la lumière des premiers longs métrages des jeunes réalisateurs de la Nouvelle Vague — Truffaut, Godard, Chabrol, Resnais, et j’en passe — on reconnaîtra en Varda un des précurseurs du “mouvement”, ou, comme le disent certains, la “grand-mère de la Nouvelle Vague”. Avant d’abandonner définitivement sa carrière de photographe, en 1960, elle fera trois court métrages documentaires, dont deux films de commande, O saisons, ô chàteaux (1957), sur les châteaux de la Loire, et Du côté de la côte (1958), sur les touristes de la Côte d’Azur, ainsi que L’Opéra-mouffe (1958), où l’on voit, à travers les yeux d’une femme enceinte, les gens du marché de la rue Mouffetard à Paris. Si Varda n’est plus photographe professionnelle, elle ne délaisse pas la photographie pour autant : ses films, qui frappent toujours par leur beauté plastique, sont parsemés de photos et d’images fixes de toutes sortes qui enrichissent leur fond thématique. Salut les Cubains (voir plus bas) sera composé entièrement d’un montage de 1 500 photographies.
Pendant les vingt-cinq années suivantes, avant de tourner Sans toit ni loi, Varda réalisera sept longs métrages, dont quatre films de fiction : Cléo de 5 à 7 (1961), Le Bonheur (1964), Les Créatures (1965), et L’une chante, l’autre pas (1976). Cléo de 5 à 7, son deuxième long métrage, la fait assimiler carrément à la Nouvelle Vague (du moins à son aile politisée, littéraire et esthétisante connue sous le nom du groupe “Rive Gauche”, qui comprend aussi Resnais et Chris Marker). Dans ce film, elle met en scène, quasiment en temps réel (de cinq heures à six heures et demie), un moment critique dans la vie d’une petite chanteuse parisienne qui attend dans l’angoisse les résultats d’une analyse médicale qui va déterminer si elle a un cancer ou non. Le film est selectionné pour le Festival de Cannes et le Festival de Venise en 1962, avant d’être couronné, la même année, par le Prix Méliès. Dans Le Bonheur, il s’agit d’une réflexion sur la nature même du bonheur, ainsi que sur le droit au bonheur à travers l’amour, indépendamment de la morale conventionnelle. Film “scandaleux”, Le Bonheur obtient néanmoins le Prix Louis Delluc 1965 et l’Ours d’argent au Festival de Berlin 1965. Le film suivant, Les Créatures, qui juxtapose la vie d’un couple à la genèse d’un roman — “oeuvre froide et cérébrale” (Ford, 114) — est généralement boudé par les critiques et par le public, malgré sa sélection officielle au Festival de Venise 1966. L’une chante, l’autre pas, consacré aux questions sur le droit des femmes de décider de faire des enfants ou pas (la contraception et l’avortement), raconte le combat personnel de deux jeunes femmes. C’est un hommage de Varda au mouvement féministe, dont elle se réclame sans ambages. Son film obtient le Grand Prix du Festival de Taormina 1977, en Italie.
A mi-chemin entre le documentaire et la fiction, Lions Love and Lies (1969), un long métrage tourné à Los Angeles, dépeint le milieu “hippie” des acteurs avant-gardistes d’Hollywood, tout en s’articulant autour de la campagne présidentielle et de l’assassinat de Robert Kennedy. Par ailleurs, Varda se consacre surtout aux films documentaires, une longue série de courts métrages dont certains reliés clairement à la gauche politique : Salut les Cubains (1963) et Black Panthers (1968). Les mieux connus, et certains des plus longs de ses documentaires comprennent Daguerréotypes (1974-75), sur les habitants de la rue Daguerre à Paris, où habite Varda, et Mur murs (1980), une réflexion sur les gens de Los Angeles à partir de peintures murales. Documenteur (1980-81), un moyen métrage de fiction, est le portrait d’une jeune femme et de son fils, vivant en exil à Los Angeles, et de ses rapports avec les autres et avec la ville, dont les éléments pauvres — les clochards, les solitaires, les ivrognes — sont mis en relief. En 1982 elle reçoit le César du meilleur court métrage pour Ulysse, un film qui explore une image du passé, une photo composée (sur une plage de galets on voit un homme nu, debout, qui regarde la mer, un enfant nu assis et une chèvre morte) qu’elle avait prise presque trente ans auparavant.
Après Sans toit ni loi (1985), Varda réalise en 1987 un documentaire sur l’actrice Jane Birkin, Jane B. par Agnès V., suivi la même année d’un film de fiction, Le Petit Amour (Kung-Fu Master), dont Jane Birkin est la vedette. Au début des années quatre-vingt-dix, elle consacre plusieurs documentaires à son mari, le cinéaste Jacques Demy (décédé en 1990), dont notamment Jacquot de Nantes (1991). Plus récemment, Varda a connu un vif succès avec son film Les Glaneurs et la glaneuse (2000), un documentaire—tourné en DV—sur les ramasseurs des restes des autres comme sur son métier de cinéaste, “glaneuse” d’images.
Au tout début du nouveau siècle, sans toutefois arrêter de faire des films, Varda reçoit deux prix pour l’ensemble de son oeuvre, dont un César d'honneur en 2001.