Realisateurs

Eric Rohmer

Né Jean-Marie Maurice Schérer à Tulle, en Corrèze (centre de la France), en 1920, Eric Rohmer est le plus “secret” des cinéastes français célèbres. Pour ce qui concerne sa vie personnelle, en dehors du cinéma, on sait tout juste qu’il s’est marié en 1957, qu’il a deux fils et qu’il fut professeur de lettres dans des lycées parisiens. Comme le signale Magny, Rohmer a même refusé, pendant longtemps, de laisser paraître sa photo dans la presse, s’exclamant un jour, devant un photographe : “Ah non, je ne veux pas! Jamais de photo . Je suis contre le vedettariat. Je veux rester tout à fait dans l’ombre […] l’auteur n’existe que par son oeuvre” (p. 7). Il paraît, par ailleurs, qu’en adoptant un pseudonyme et en évitant la notoriété Rohmer voulait cacher son existence de cinéaste à une mère qui aurait trouvé scandaleux que son fils, un professeur respectable, “se fourvoie dans la profession cinématographique” (Magny, p. 9)! Si Rohmer reste, effectivement, “dans l’ombre” pendant la première partie de sa carrière, il ne joue pas moins un rôle important dans le monde du cinéma, comme le démontre amplement la chronologie présentée par Molinier (pp. 29-32), et que nous résumons ci-dessous.

Dix ans plus âgé que les jeunes Turcs — Truffaut, Godard, Chabrol, et Rivette, notamment — qu’il rejoindra aux Cahiers du cinéma, Rohmer commence une carrière de critique de cinéma dès la fin des années 40. Entre 1948 et 1963, il publie une centaine d’articles dans les revues de cinéma parisiennes et, en 1950, crée même sa propre revue, La Gazette du cinéma, qui disparaît après cinq numéros, faute d’argent. Il fait partie de la rédaction des Cahiers du cinéma dès leur création en 1951 et devient rédacteur en chef en 1958, à la mort d’André Bazin. (C’est à cette époque seulement que Rohmer met fin à sa carrière de professeur de lycée.) Dès 1950, il commence à tourner des courts métrages de fiction, dont il ne reste de traces que dans la série Charlotte et Véronique, pour laquelle il a tourné Charlotte et son steak (1951, 1961) suivie de Véronique et son cancre (1958), après avoir écrit le scénario du court métrage de J.-L. Godard, Tous les garçons s’appellent Patrick (1957).

Ce n’est qu’en 1959 (la même année que paraissent Les Quatre Cents Coups de Truffaut et Hiroshima mon amour d’Alain Resnais) que Rohmer réalisera son premier long métrage, Le Signe du Lion. Contrairement aux premiers films de Truffaut et de Resnais, tous deux couronnés de succès, Le Signe du Lion, qui ne sort qu’en 1962 (Rohmer ayant eu beaucoup de mal à trouver un distributeur), est un échec commercial très net, malgré son succès auprès de la critique. Sans se décourager, Rohmer se lance dans la réalisation d’une série de films qu’il bâptise Six contes moraux (voir plus bas), faisant d’abord, dans des conditions plutôt artisanales, La Boulangère de Monceau (1962, 26 mins.) et La Carrière de Suzanne (1963, 52 mins.), des films tournés en 16 mm. qui n’auront pas de carrière commerciale. En 1963, drame aux Cahiers : Rohmer n’étant pas d’accord avec l’orientation (plus politisée) que les autres critiques souhaitent donner à la revue, il est remplacé comme rédacteur en chef par Jacques Rivette.

Pour vivre, et pour pouvoir continuer de tourner, Rohmer se fait engager par les services de la télévision scolaire pour faire des films didactiques. Il réalise ainsi, entre 1964 et 1970, une vingtaine de films destinés aux écoles, tels que, à titre d’exemple, Les Salons de Diderot, “Don Quichotte” de Cervantes, “Les Caractères” de La Bruyère, et — à retenir par rapport à Ma nuit chez Maud — Entretien sur Pascal (ce dernier en 1965). En 1965 il fait également un court métrage, La Place de l’Etoile, pour un film à sketchs qui s’intitule Paris, vu par …, travaillant pour la première fois avec le chef-opérateur de génie qui deviendra son collaborateur sur tout le reste de ses films, Nestor Almendros.

En 1966 Rohmer connaît son premier succès, à la fois critique et commercial, avec son troisième “conte moral”, La Collectionneuse, un long métrage qui obtient l’Ours d’argent (meilleur film) au Festival du film de Berlin. Cette réussite, en plus de l’aide financière que lui procure Truffaut, lui permet de réaliser, en 1969, Ma nuit chez Maud.

Après les Contes moraux, Rohmer tourne deux films de caractère historique, Die Marquise von O… (1976) et Perceval le Gallois (1978), avant de s’attaquer dans les années quatre-vingts à une nouvelle série de sept films, Comédies et Proverbes, dont les mieux connus sont Pauline à la plage (1983), Les Nuits de la pleine lune (1984), Le Rayon vert (1985) et L’Ami de mon amie. Pendant les quinze années suivantes, Rohmer réalise, entre autres films, une nouvelle série de quatre films, les Contes des quatre saisons. Parmi ses oeuvres les plus populaires, ces films, comme bon nombre de films de Rohmer, traitent du caractère compliqué des rapports sentimentaux entre les hommes et les femmes, surtout du point de vue des personnages féminins. .

Filmographie d’Eric Rohmer (films principaux):

1959 Le Signe du lion
1962 La Boulangère de Monceau (court métrage, Six contes moraux I)
1963 La Carrière de Suzanne (moyen métrage, Six contes moraux II)
1965 Place de l’Etoile (dans le film à sketchs, Paris vu par…)
1967 La Collectionneuse (Six contes moraux IV)
1969 Ma nuit chez Maud (Six contes moraux III)
1970 Le Genou de Claire (Six contes moraux V)
1972 L’Amour l’après-midi (Six contes moraux VI)
1975 La Marquise d’O.
1978 Perceval le Gallois
1980 La Femme de l’aviateur ou On ne saurait penser à rien (Comédies et proverbes).
1981 Le beau mariage (Comédies et proverbes).
1982 Pauline à la plage (Comédies et proverbes).
1984 Les Nuits de la pleine lune (Comédies et proverbes).
1985 Le Rayon vert (Comédies et proverbes).
1986 Quatre aventures de Reinette et Mirabelle (Comédies et proverbes).
1987 L’Ami de mon amie (Comédies et proverbes).
1989 Conte de printemps (Contes des quatre saisons).
1991 Conte d’hiver (Contes des quatre saisons).
1992 L’Arbre, le maire et la médiathèque.
1995 Les Rendez-vous de Paris.
1996 Conte d’été (Contes des quatre saisons).
1998 Conte d’automne (Contes des quatre saisons).
2001 L’Anglaise et le duc 2004 Triple agent